Morgane Armiroli, qualifiée malgré elle aux championnats du monde de triathlon Ironman
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- lundi 2 octobre 2017
- la rédaction
À 26 ans, Morgane Armiroli a décroché le slot pour courir les mythiques championnats du monde Ironman à Hawaï, en octobre prochain. Mais, c'est totalement par surprise qu'elle a été sélectionnée à l'issue d'une cérémonie improbable.
Avec à peine une année de triathlon et une première tentative sur le format Ironman (3,8 km de natation enchaînés avec 180 km de vélo dans le dénivelé de l'arrière-pays niçois et un marathon sur la promenade des Anglais), Morgane avait un seul objectif : terminer ! Mais la novice était loin d'imaginer que l'expérience allait la porter sur l'épreuve ultime du format long...
« C'etait complètement inattendu ! », témoigne la jeune triathlète. « Je n'arrive toujours pas à y croire. Alors que je terminais 7ème de mon groupe d'âges pour mon premier Ironman à Nice, j'ai décroché le slot pour Hawaï. Mon coach m'avait dit qu'il fallait toujours aller à la cérémonie. Car, même si je n'étais pas sur le podium, cela m'offrirait une part de rêve. J'y suis arrivée, en retard, pour voir et je m'attendais simplement à une remise de trophées pour les premiers. Mais quand mon nom est sorti, j'ai été surprise. Un bande d'amis criaient... Dans l'enthousiasme, je suis montée sur le podium pour me voir remettre une qualification pour les championnats du monde Ironman... »
C'est en effet un incroyable concours de circonstances qui ont permis à la triathlète novice d'obtenir le fameux sésame avec ses 12h09 et sa très belle 7ème place lors du triathlon Ironman de Nice, en juillet 2017. « La première, Alizée Permentelat avait dit aux autres filles qu'elle prendrait l'unique slot qui était ouvert pour notre catégorie d'âges des 25-29 ans. Sauf, qu'au moment de la cérémonie, l'organisation a reporté le slot des 18-24 ans sur notre catégorie d'âges. En effet, la seule triathlète féminine (et Française) qui avait concouru ne l'a pas pris... », précise Morgane.
En l'absence des premières de la catégorie, convaincues qu'il n'y aurait qu'une seule qualification à prendre, c'était aux suivantes présentes pour assister à la cérémonie. Et c'est finalement Morgane Armiroli qui l'a décroché. « C'était un cadeau empoisonné, je n'ai pas réfléchi ! », avoue après coup, avec son enthousiasme entier, Morgane Armiroli. Car, au bonheur de cette sélection inattendue a vite succédé la panique. « J'ai vu la tête de mon copain se décomposer et il se demandait déjà comment financer l'expédition. Moi, qui n'aie jamais eu de chance dans ma vie, j'ai vécu cette année une succession d'aventures incroyables... »
La force mentale de la gymnaste
Il faut dire que cette ancienne gymnaste a le don de rebondir. Et son histoire illustre une fois encore que la réalité dépasse souvent les fictions pondues par les imaginations les plus retorses... Depuis le plus jeune âge, la jeune fille a en effet montré une volonté et une énergie qu'elle a poussées dans sa discipline d'origine, la gymnastique. Débutée à 3 ans, elle fait de la compétition jusqu'en Terminale avant d'entraîner les jeunes et d'arbitrer. « En gymnastique, on est au top à 15 ans, ensuite on régresse... Et je me suis toujours demandée qu'elle discipline je ferai après ? »
Parce que, pour Morgane, il n'était pas question de rester inactive. C'est même cette mécanique du corps qui l'a conduite à choisir son métier, la kinésithérapie. « J'avais une autre conscience du corps avec les blessures de la gymnastique. C'est ce qui m'a séduite dans cette vocation. Mais je suis également convaincue que la gymnastique est aujourd'hui un énorme atout pour le mental... En gym, on a mal mais on oublie ça. Les entraînements sont très durs. C'est ce qui m'a endurcie car je ne lâche rien ! »
C'est ainsi à la jonction de son métier et de ses loisirs qu'elle a amorcé sa reconversion sportive dans le triathlon. « Je travaille avec des personnes handicapées. Et, un soir de 2013, un patient paraplégique et ancien triathlète, m'a dit : "va faire un footing, cela te relaxera avec ta semaine chargée". Je n'aimais pas trop courir. Mais j'y suis allée, et c'est comme ça que j'ai posé un premier jalon vers le triathlon. »
Elle débute alors en course à pied et les événements se précipitent. « J'avais besoin d'exercice mais en même temps je préparais mon entrée comme sapeur-pompier volontaire, un métier qui m'avait toujours fait rêver. La course à pied était donc en même temps le moyen d'être en forme pour les tests. Je me suis ensuite laissée entraînée par un copain sur un semi-marathon... »
Morgane Armiroli ne lâche rien non plus du côté des études qu'elle poursuit, pour devenir d'ostéopathe tout en exerçant son métier. Son job de kiné dans la journée, ses études d'ostéo pendant une à deux semaines par mois, des gardes de 24 à 48 heures chez les sapeurs-pompiers et de plus en plus de temps pour courir ici des trails, là des courses...
Dossard gagné et un coach combattant du feu
Elle attaque son premier triathlon lorsque une amie lui propose de l'accompagner. « J'ai adoré ! Et je me suis inscrite peu après dans un club de triathlon ». La jeune femme entame alors ses premiers triathlons, et passe presque aussitôt sur le longue distance. « J'ai gagné mon dossard pour le L de Hyères, en 2016, qui compte 100 km en vélo. Mais je n'avais jamais fait 100 km à vélo d'autant qu'il y avait 1500 mètres de dénivelé. »
L'expérience réussie et ses facilités à vélo l'encouragent à poursuivre sur le long. Et l'amène à terminer le Natureman en fin d'année. « J'ai eu envie de tenter l'Ironman de Nice pour aller au bout de l'épreuve, reprend Morgane. Et, c'est un pompier que je côtoie qui m'a proposé d'être mon coach. Mais avec ses 28 Ironman dont 8 à Kona, je lui ai dit que j'étais mauvaise. Il a quand même débuté mon entraînement et j'ai couru cette année le L de Cannes, entraînée pour la première fois par un coach ! »
Seulement, dans l'équation "Armiroli", il y a toujours des rebondissements. Et, c'est à l'issue d'un concours qu'elle est retenue sur un jeu Facebook dans le Team Skoda, en cyclisme, avec deux entraîneurs prestigieux : Bernard Hinault et Jérôme Pineau... Elle bénéficie ainsi de conseils aguerris lors des stages mais elle est également inscrite sur l'étape du Tour de France qui tombe... une semaine avant l'Ironman de Nice.
« Le coach m'y a encouragé en me disant que ce serait un atout pour rouler. Et, que ma jeunesse me permettrait de récupérer plus vite », se souvient la triathlète. D'ailleurs, ses résultats sur la partie vélo, avec généralement l'un des trois meilleurs temps sur les triathlons, composent un argument fort dans ce sens.
« J'ai été énervée par la vague de critiques injustes »
Difficile pour l'énergique triathlète de concilier travail, études, engagement volontaire et entraînement. Elle se lève à six heures le matin pour les séances natation du club. Mais elle ne peut faire que la moitié des séances de course à pied face aux contraintes des études. « Et après des gardes de 24 ou 48 heures, j'étais incapable de faire certaines sorties à vélo, reconnaît-elle. J'aurais aimé faire beaucoup plus ! »
Au final, après le triathlon L de Cannes, elle réalise une énorme performance sur l'étape du Tour en décrochant une 25ème place chez les filles. Mais, c'est aussi avec un mal de dos et de ventre qu'elle attaque, une semaine plus tard, son premier Ironman à Nice. « J'y allais juste pour terminer, même si j'étais prête à ne rien lâcher. C'est la vertu des entraînements de gymnaste, la motivation et l'obstination. J'ai adoré la course. Mais le marathon a été dur car je suis moins à l'aise en course à pied. Aujourd'hui, je suis vraiment fière de l'avoir terminé et avec ce temps compte tenu des entraînements », relève la qualifiée à Kona.
À l'euphorie de sa sélection sur l'île d'Hawaï et l'inquiétude de l'organisation du voyage a succédé une vague de critiques à son égard. « Je n'ai pas compris ! J'ai subi de très nombreuses réactions négatives sur ma sélection comme quoi elle n'était pas méritée. Certains ont même insinué que je me dopais... Cela m'a presque fait regretté, j'étais très énervée par ces attaques », se révolte-t-elle.
Mais face aux oiseaux de mauvais augure, elle s'est appuyée sur ceux qui l'ont toujours soutenue, notamment ses patients qui lui ont donné le courage d'aller jusqu'au bout dans les moments difficiles. « Je pense à eux et je mesure la chance que j'ai de pouvoir me lancer sur ces défis. L'année dernière, j'ai couru mon premier marathon à Paris avec une équipe en portant une personne paraplégique. Et cela me ferait rêver de pouvoir le faire comme dans le film "De toutes nos forces". »
Mais avec l'objectif hawaïen, elle a dû rapidement se remobiliser. L'entraînement a repris de plus bel et l'intensité semble déjà payer. Elle fait en effet sa meilleure performance sur semi-marathon... lors du triathlon half-Ironman, qu'elle a couru fin septembre. « J'adore ce sport et je veux vraiment me faire plaisir à Kona. Mes amis, ma famille me demandent pourquoi je m'entraîne tant. Je leur réponds que sans cela je ne pourrais apprécier l'épreuve... », relève celle qui rêve déjà de s'essayer sur un Embrunman ou un Norseman.
« Je tiens surtout à remercier énormément tous les gens qui me soutiennent et les nombreux messages d'encouragements que je reçois, insiste Morgane Armiroli. C'est surtout ça que je retiens au-delà des critiques, c'est une énorme motivation et je ne remercierai jamais assez tout le monde pour ça ! J'ai aussi du mal à croire qu'il y ait autant de gens derrière moi, ce n'est que du bonheur !»
Photos : Sylvain Delaissez.