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Norseman : « je ne pousserai jamais personne à le faire tant ce triathlon est éprouvant ! »

« La veille du Norseman, il y avait un test natation organisé dans le fjord. Et les conditions étaient idéales. Mer d'huile, grand soleil, température estivale, et eau à 12/13° C. Je me suis dit que le lendemain, cela irait. C'était sans compter sur cette chaleur qui est tombée la veille de la course et a fait fondre la neige en altitude, de l'eau glaciale qui est descendue dans les fjords. Et le jour de la course, les conditions n'étaient plus du tout les mêmes ! À un jour près, nous avons vécu une épreuve beaucoup plus éprouvante ! », témoigne Jérôme, pour poser le décor sur ce triathlon norvégien aux allures très particulières.

Ainsi, en ce 6 août 2016, dans la nuit, lorsque les heureux sélectionnés peuvent enfin se jeter du bateau pour attaquer cet Ironman nordique extrême, Jérôme apprécie ce moment fort du Norseman... Mais se félicite également du dispositif anti-froid qu'il a soigneusement préparé.

Norseman mapCombinaison et bonnet néoprène, obligatoires. Mais aussi, sur le corps, un maillot serré en néoprène sans manche, des chaussons de natation et des bâtons chauffant pour les pieds. Tenir. Il faut en effet, aux 271 concurrents au départ, tenir dix minutes dans l'eau avant le swimstart sur une ligne imaginaire dessinée par les canoës-kayaks à la lumière des spots. « On a rêvé de ce moment, car il symbolise l'épreuve ! Mais heureusement que j'avais mis mes chaufferettes sur les pieds... Au coup de semonce de la sirène, la natation a ensuite été très mouvementée dans le vent et les vagues. Je buvais la tasse. Ma pire natation ! »

Sorti en 1h22, temps natation lié à la fois aux éléments démontés mais aussi à cause d'une « petite erreur d'aiguillage », le triathlète est réconforté par sa femme qui fera - avec sa sœur et son beau-frère, le fil continu des transitions, ravitaillements et assistance. Encore une particularité de cette épreuve.

Pressé d'enchaîner, pour gagner des places et faire partie des 160 premiers concurrents qui pourront grimper jusqu'au mythique mont Gaustatoppen, Jérôme fait une transition rapide. Habillé de vêtements secs, il boit chaud avant de repartir sans même prendre le temps de s'alimenter...

Transition éclair et traversée du brouillard

« J'ai gagné vingt à vingt-cinq places sur la transition natation/vélo après être sorti 136ème de l'eau ». Il faisait alors dix degrés qui allaient se transformer en 1° C ou 2° C, au premier sommet à 35 kilomètres de là. Mais, comble de malchance, une partie d'un tunnel effondré bloque la circulation des véhicules et rend impossible le ravitaillement que doit assurer son équipe.

Si Jérôme part prudemment sur les 30 premiers kilomètres d'ascension, il souffre de l'attente pour rejoindre le premier ravito de son équipe qui n'a pu s'approcher plus. « J'ai eu des crampes sur les avant-bras et les adducteurs et malgré les mitaines de course à pied et les gants de vélo, des phalanges ont perdu toute sensibilité ».

Ces conditions frigorifiques sont accentuées par le brouillard, la route en mauvais état et des véhicules qui s'arrêtent n'importe où pour assister d'autres concurrents. Pour le triathlète, cette partie vélo est vraiment difficile malgré ses surcouches et son gilet jaune pour être visible au milieu des nuages. « On ne voyait pas grande chose ! À un moment, je pensais être sur un faux-plat montant alors que j'étais en descente. C'était parfois dangereux sur une route ouverte à la circulation. Il fallait être vigilant ! »

À la conquête d'un sub-160ème

Lorsqu'il rejoint son véhicule d'assistance, son beau-frère lui fait le plein d'aliments, et les filles lui changent ses chaussettes qui ne restent que très peu de temps sèches. Quelques concurrents le doublent mais il se fait surtout lâcher dans le dernier col avant la bascule vers le parc à vélo. 125ème environ au début du vélo, Jérôme va finalement se maintenir avec une 130ème place sur cette deuxième transition, pour attaquer le marathon-trail du Norseman. Sa transition est certes rapide (4'45),  mais il doit marcher au début de la course à pied. Le temps qu'il se sente mieux.

Pourtant la partie est stratégique. S'il veut avoir une chance de décrocher le maillot noir de finisher au sommet du Gaustatoppen, il doit être au maximum 160ème au 32ème kilomètre du marathon. Quand il peut repartir, les sensations reviennent et il reprend patiemment les places perdues. Au 25ème kilomètre, il retrouve la 130ème place, ce qui lui laisse alors une marge pour les 7 prochains kilomètres avant la bifurcation fatidique, et une ascension qui se durcit... La côte de 14 % à 17 % attaque sec, et il s'accroche avec le soutien de sa femme qui vient de le rejoindre à pied après le dernier ravito familial.

 Mais la coupe est pleine, Jérôme est dans le mal. Il fait un malaise au 28ème kilomètre et doit s'allonger à terre. « Si le juge était passé à ce moment-là, cela aurait été l'horreur. Car, par sécurité, j'aurais été arrêté ! ». Le repos mais sans doute aussi le stress lui permettent de repartir alors qu'il est passé 152ème - même s'il n'a pas de moyen de le savoir. « Je me suis refait la cerise en perdant encore cinq places », lâche-t-il.

Un sprint totalement irréaliste !

À ce moment-là, tout le monde marche. Accompagné de sa moitié, il remonte patiemment avec un finish hors du commun. Il reprend douze triathlètes sur les quatre derniers kilomètres avec un sprint invraisemblable à quelques encablures de la ligne des 32 km. « J'ai passé un groupe, mais comme on n'avait pas de moyen de savoir exactement à quelle place nous étions, nous nous sommes tirés la bourre. Nous avons passé la ligne des 32 km en sprint, avant de nous allonger pour nous étirer ou reprendre notre respiration. Finalement, nous sommes tous passés. Moi, à la 142ème place... ».

C'est là que sa femme le quitte pour prendre la navette pour l'accompagner plus loin du 37ème au 42ème kilomètre, sur la partie la plus dure. Alors, en mal de ravitaillement, Jérome doit gérer avec l'aide d'un concurrent français qui lui donne quelque chose à manger. « Il n'y avait que des cailloux, des parois rocheuses à passer de 2 ou 3 mètres, limite escalade, des pentes à 25 % et des cailloux qui roulent sous les pieds... Malgré cela, j'ai bien remonté. Sur le dernier kilo, j'ai doublé un pro et lui ai mis 9 minutes sur les vingt qu'il lui a fallu pour terminer l'ascension et gravir la volée finale de marches, au sommet », raconte le triathlète dont le finish est une marque de fabrique.

Au final 113ème de la course sur les 142 concurrents qui ont pu terminer au sommet (soit 18 abandons sur les dix derniers kilomètres), il décroche le maillot noir du Gaustatoppen tant convoité, et exulte. « C'est une course magnifique... Mais qu'est-ce qu'elle est dure ! Je ne pousserai jamais personne à la faire tant c'est éprouvant. Après, ce sont des paysages à couper le souffle, et l'organisation est top. Seul bémol, avec la pluie, nous n'avons pas eu de chance », tempère le finisher.

48 autres athlètes ont également pu terminer avec le maillot blanc, sur un parcours alternatif descendant à compter du 32ème kilomètre du marathon.

 Épilogue

Jérôme, s'il ne se voit pas le refaire (dans l'immédiat), pense y retourner un jour en soutien d'athlète. D'ailleurs, il liste déjà les points à améliorer pour l'organisation individuelle : la reconnaissance des lieux où stationner pour les ravitaillements en voiture toujours très compliqué, un sac léger avec des aliments pour la partie trail et le changement de chaussures pour cette section. Évidemment, l'équipe accompagnante est stratégique surtout quand, l'épreuve terminée, elle doit redescendre tardivement dans les rochers à la lampe frontale, après une dure journée de soutien actif...

Jérôme qui avait terminé l'Ironman de Nice, le 5 juin 2016, a pu enchaîner ce Norseman (6 août) avec l'Ironman de Vichy qu'il termine avec brio juste trois semaines après ce Norseman, et une 611ème place sur 1 544 finishers, en 11h21 (et des douleurs articulaires)... Véritable exploit.

 

(*) Ironman : triathlon au format le plus long, soit 3,8 km de natation enchaînés avec 180 km de vélo puis un marathon.

 

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